Pauses by Noise
Retrouvez-nous le jeudi, pour une Pause by Noise.
Balance ton porc
Suite à la déferlante Weinstein/#balancetonporc, on se retrouve un vendredi devant une classe entière en Arts Appliqués, une classe à forte dominante féminine. Des étudiant(e)s qui ont entre 19 et 22 ans et qui se destinent au métier de graphiste. On avait prévu de parler des portraits du Fayoum et puis au dernier moment, on préfère commencer par la couverture de « Libé » du mardi 17 octobre : « Porcs sur le gril. »
« Vous avez des remarques par rapport à ça ? » C’est trois filles qui interviennent directement. « Évidemment qu’on a des remarques, qu’est-ce que vous imaginez ! » On se dit que c’est le moment de laisser la parole circuler… « Non, mais je crois que vous ne vous rendez pas compte, pas compte du tout ! C’est tous les jours qu’on nous emmerde, pas forcément des gestes déplacés, ou des Mademoiselles qu’on en a ras-le-bol, mais simplement des regards, comme si j’étais une chose à consommer. »
En quelques minutes, on découvre le point de vue de filles de 20 ans auquel on n’a jamais accès quand on est un homme. Et pour le coup, les garçons de la classe ouvrent de grands yeux. « Non mais monsieur, c’est très médiatique tout ça, Weinstein et les autres, c’est pour l’audimat…» C’est un garçon qui vient de réagir, et aussitôt Alice intervient. « Mais putain, Bruno, tu peux pas comprendre, tu ne ressens pas ce qu’on vit. C’est pire que ce qu’on dit, c’est pas que sexuel, c’est un truc de domination, de pouvoir, on le sent clairement dans le regard. Moi, je réfléchis le matin quand je m’habille, je réfléchis en me disant j’ai pas envie qu’on m’emmerde, tu réfléchis, toi Florian, le matin quant tu t’habilles, tu t’interdis des trucs ? ». Et là, Kevin : « Faut dire quand même, t’as des filles, faut voir comme elles sont habillés sexy, c’est limite provoquant, non ? »
C’est plus de quinze filles qui interviennent aujourd’hui, alors que d’habitude, en demi-groupe elles sont beaucoup plus discrètes. « Et puis marre de toutes ces images dans la rue où on nous montre toujours des filles à poil pour vendre tout et n’importe quoi. Comment tu veux que les mecs aient pas cette image en tête, qu’une femme, c’est un objet que l’on consomme quand on voit tout ça ! »
Et Alice, de reprendre la parole. « Moi, c’est pas la nudité, finalement j’ai rien contre, ce qui me saoule, c’est les poses suggestives, toutes les pubs nous montrent des meufs en train de séduire, comme si on était réduites à ça… séduire des mecs. » On intervient sans trop vouloir casser la vague de parole. « Et ça, on le change comment ? »
« C’est un truc d’éducation, faut le dire et le redire, une femme ça se respecte, on va pas mettre une burqa parce que les mecs arrivent pas à se maîtriser. » « Moi, je crois qu’il faut renvoyer le regard, et là, tu verras que les mecs ils seront moins à l’aise. »
"Fire and Fury" Saison 5
« Le leader nord-coréen Kim Jong-un vient d’affirmer que le “bouton nucléaire est sur son bureau en permanence’’ […] Informez-le que, moi aussi, j’ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et il fonctionne ! »
Ça, c’est le 2 janvier dernier, et c’est le tweet que Donald Trump a envoyé en guise de bonne année, histoire de bien pourrir le fragile réchauffement amorcé par Pyongyang et Séoul pour les J.O. d’hiver en Corée du Sud. « Donald Tweet », on ne sait plus très bien comment appeler le président de la première puissance mondiale, a compris un truc simple, qui lui a permis de remporter l’élection présidentielle. La force de l’émotion balaye tout sur son passage. Trump a compris qu’avec 140 caractères, il pouvait entraîner la planète derrière lui. Et devenir l’axe central autour duquel le monde tourne. Il électrise, sidère, allume des incendies aux quatre coins du monde.
En ce début d’année, un livre retraçant sa première année de présidence vient de sortir aux Etats-Unis, « Fire and Fury ». Le feu et la fureur, c’est exactement ça. Le feu qui ravage tout. Un problème avec le Pakistan ? A quoi bon passer par l’ambassadeur américain ! En un tweet envoyé le matin du Nouvel An, Trump sabote tout le travail diplomatique engagé depuis de nombreuses années. Stupeur et incompréhension. Car au final, Trump ne tweete pas pour le Pakistan, il tweete comme s’il était toujours en campagne électorale et qu’il fallait en permanence retourner le projecteur sur lui.
On semble l’oublier, mais Donald Trump a eu plusieurs vies, comme les différentes saisons d’une série Netflix. Saison 1: les années 1980, l’ascension, les années fric. Saison 2 : l’empire immobilier, les mondanités, le businessman de dessin animé, vulgaire mais pas méchant… et les procès. Saison 3 : la renaissance et la télé réalité qui annonce la saison 4, la marche vers la Maison-Blanche. Aujourd’hui, on est au début de la saison 5 : la présidence « Fire and Fury ».
Pendant plus de dix ans, entre 2004 et 2015, Donald Trump est apparu toutes les semaines dans les salons de millions d’Américains avec les deux programmes de télé-réalité « The Apprentice » puis « The Celebrity Apprentice ». Trump s’est installé dans le quotidien de l’Amérique profonde. En apparaissant comme un patron intraitable, qui, depuis son fauteuil rouge, invectivait et mettait à l'épreuve des candidats à un poste de cadre au sein de son empire. Sans la télé-réalité, il n’y aurait jamais eu de Trump président. Sa réplique fétiche « You’re fired » (« vous êtes viré »), sorte de mantra télévisuel omniprésent, est devenu « Make America Great Again! », son slogan de campagne.
On en est là. Quarante-deux millions d’abonnés sur Twitter. « J’ai un plus gros bouton nucléaire que toi, connard ! » Les tweet compulsifs de Donald Trump ont logiquement pris le relais de la télé-réalité.
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