Notre maison brûle encore
Quand la flèche de Notre-Dame s’est embrasée entraînant toute la charpente du toit de la cathédrale, on a bien senti qu’une émotion forte remontait spontanément au plus profond de chacun…
Et l’on s’est dit qu’il fallait garder de l’espoir, qu’en de pareilles circonstances, l’homme était encore capable de ressentir un instinct de vie… C’est comme si un être aimé s’était retrouvé blessé, mutilé. Et d’assister à un véritable deuil physique.
Las ! Lundi dernier, l’enthousiasme est retombé, quand on a découvert à la une du « Monde », un rhinocéros noir retrouvé mort dans une réserve en Afrique du Sud. Tué pour sa corne par des braconniers. Le gros titre disait : « Alerte rouge sur la vie sauvage ». La disparition du vivant est actée, on ne reviendra pas en arrière, on peut simplement freiner le phénomène, « la sixième extinction de masse des espèces est bel et bien en cours ».
Comment ne pas ressentir de l’incompréhension ? Régulièrement dans les lieux publics, les écoles, sur les lieux de travail, on organise des exercices alerte incendie et tout le monde s’y prête considérant l’enjeu sécuritaire des plus importants.
Aujourd’hui pourtant, pour la planète, l’alerte résonne avec force, mais quelque chose nous dit que cette alerte ne nous est pas adressée… « Oui ? Comment ? Non, mais vous savez, c’est un problème de rhinocéros, d’ours polaire, ou d’iceberg… On est France, monsieur ! » On n’arrive pas à résoudre l’équation. La course à la croissance, la pollution, le réchauffement de la planète, les dérèglements des climats et des écosystèmes, la disparition des espèces…
Notre-Dame flambe : émotion mondiale généralisée… La planète entière est au bord de la rupture : rien ou très peu. L’été dernier sur la banquise, c’est un iceberg de 10 milliards de tonnes qui s’était détaché. Les glaciers fondent et disparaissent encore plus vite que les pôles.
Les inondations sont massives au Canada. En Iran, on vient de déplacer plus de 500 000 personnes en moins d’un mois. Sans parler des incendies de forêt gigantesques, des ouragans qui gagnent en puissance… Partout, du jamais vu ! Mais personne n’entend l’alerte.
Notre-Dame flambe : les dons affluent, les larmes coulent, l’État prend les choses en main pour reconstruire au pas de course. Au point que tous les spécialistes du patrimoine demandent à ce que l’on prenne le temps d’évaluer le chantier, de ne surtout pas se précipiter. Il y a urgence à attendre.
Et de l’autre, l’indifférence est quasi généralisée. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Encore une fois reviennent les mots de Jacques Chirac au sommet mondial de la Terre de Johannesburg en 2002. Près de vingt ans plus tard, on pourrait réactualiser la formule : « Notre maison brûle, la vie sauvage s’effondre et nous fermons les yeux. Les ouvrir nous obligerait à réagir ! »