Le papier fait un carton !
On nous a dit qu’il n’y avait plus d’huile de tournesol…la faute à Poutine. Il n’y a plus de moutarde non plus, c’est la faute à la sécheresse au Canada… et le papier, on nous dit qu’il n’y en a plus, mais sans savoir pourquoi !
Dominique Bordes, fondateur de la maison d’édition bordelaise “Monsieur Toussaint Louverture”, réputée entre autres pour ses couvertures et la qualité de ses ouvrages, se disait, il y a quelques semaines à la radio, hyper inquiet pour la rentrée littéraire. Il a même reporté certains livres à cause de la pénurie et du prix du papier qui ne cesse d’augmenter. “Et oui, nous en sommes là !”
Le papier, c’est au poids, comme chez le boucher. On achète à la tonne, donc beaucoup d’éditeurs ont déjà fait le choix de baisser le grammage, ce qui veut dire imprimer des papiers plus fins pour préserver le nombre de pages. Mais certaines revues, sont déjà en cure d’amincissement, réduisant leur pagination de 20 % à 25 %. Une pagination moindre, un papier moins épais, c’est aussi moins lourd à transporter donc moins onéreux en coût de transport... important… alors que le prix des carburants est à la hausse, à la très forte hausse.
L’ampleur des dégâts parle d’elle-même. Depuis début 2021, le prix de la tonne de papier à destination de la presse a augmenté de plus de 70 %. Le Monde, Les Echos, Le Journal du Dimanche ou Le Figaro ont répercuté sur le prix au numéro, une hausse de 20 centimes.
Sachant qu'à la fin de l’année 2023, il ne restera plus qu’une seule machine à papier journal en France, cette hausse n’est pas près de fléchir !
Pour expliquer les tensions sur l’approvisionnement et les augmentations, on a parlé du Covid, d’un ralentissement de l’activité, puis d’une demande plus forte que l’offre.
Tout cela, en fait, a été précipité par les rachats, les concentrations et la mutation des usines françaises de pâte à papier et de transformation. En 2006, les papiers à usage graphique représentaient 43 % de la production totale française et 45 % allaient aux papiers emballages. En 2021, les premiers ne représentent plus que 17 %, contre 66 % pour les seconds.
Eh oui, pour acheminer les millions de colis Amazon, il a bien fallu trouver du carton, rendant ainsi sa fabrication plus rentable que celle du papier.
En cette rentrée, les gros éditeurs ont fait des stocks et ne sont pas trop inquiets, même si le coût exponentiel du papier pèse de plus en plus lourd pour eux. Par contre, les petites maisons d’édition qui achètent le papier directement à leur imprimeur, n’ont pas de visibilité quant à la pérennité de leur production …
Viendra le temps où ils n’auront pas d’autre choix que d’augmenter le prix des livres. Ou même de ne pas imprimer du tout… comme “Monsieur Toussaint Louverture”.