Le monde d’après…
Ça y est nous y sommes, les 55 jours de confinement n’étaient finalement qu’un sas de transition, une sorte de palier de décompression pour enfin pouvoir découvrir… le monde d’après, the world after.
Dimanche 10 mai, pour les applaudissements de 20 heures, ce fut plus long que d’habitude. Les voisins du 32, qui ont mis en musique tous les 20 heures du confinement, ont passé le tube “Born to be alive” de Patrick Hernandez. Comme un signe, un mantra, “naître pour être vivant, pour vivre !”… 1978, c’était les années Palace, les années festives, l’insouciance et l’euphorie où tout était possible. C’était avant les années sida qui engloutiraient cette joie de vivre. Lundi 11 mai, au premier soir du déconfinement, pas d’applaudissements aux fenêtres, pas de disco pour soutenir le personnel soignant. Il faisait même un peu frisquet à 20 heures.
On nous a vendu l’espoir, la solidarité, l’attention à l’environnement, la décroissance à portée de main et l’on découvre l’inconnu et l’incertitude, comme dans “Le Prisonnier” (The Prisoner), cette série télé anglaise culte de la fin des années 1960 que l’on regardait enfant. Un ancien agent des services secrets britannique se retrouvait dans un village aseptisé, ressemblant au monde extérieur mais dont il ne pouvait pas sortir. Chacun se saluait poliment d’un “Bonjour chez vous”.
Dans notre monde d’après, masqué de près, une expression flotte en permanence au-dessus de nos têtes, comme un étendard : distanciation sociale. « Vous pouvez faire ce que vous voulez, dés lors que vous vous tenez à distance des autres. On va bien évidemment vous y aider, en mettant au sol des marquages matérialisant ce mètre indépassable. » Oui, bien sûr, et pourtant, ce mot nous met mal à l’aise. Car il ne s’agit pas vraiment de distanciation (comme au théâtre) et elle n’est pas sociale. Distanciation sociale qu’on le veuille ou non, c’est très différent d’“éloignement physique” qui aurait été sans doute plus juste. C’est le mot social qu’on ne comprend pas ou plutôt si, on a peur de comprendre ce que l’on voit, depuis le début de cette pandémie : une accentuation des inégalités. Car s’il y a une chose qui a vite émergé de ces 55 jours, c’est le besoin des autres, le besoin d’être ensemble et l’attention portée à tous.
Lundi soir, avant la fermeture du Monoprix, on est passé chercher quelques bières pour retrouver des potes. Et là, grosse surprise, le rayon chips et cacahuètes était entièrement vide. Beaucoup, beaucoup plus rassurant sur la nature humaine que les rayons vides de PQ, au mois de mars !