Chaussette orpheline
C’est sans doute un des grands mystères de l’époque contemporaine. Dans tous les pays où les gens sont chaussés et utilisent un lave-linge, on constate le même phénomène : le syndrome de la chaussette orpheline.
Semaine après semaine, ce syndrome désigné en anglais par Missing Sock Disorder Syndrome prend racine. Un dimanche matin, on ouvre la machine, et on ne peut que subir le manque. L’inexplicable : “Putain, mais c’est pas possible ! C’est quoi, cette chaussette toute seule au milieu du linge ? Je ne retrouve pas la deuxième !” Et c’est partout comme ça dans le monde.
Évidemment, des statisticiens se sont penchés sur la question. Et ce sont plus de quinze chaussettes qui disparaissent en moyenne par an et par famille. Rapporté sur une vie entière, ça fait quand même pas loin de mille chaussettes qui se volatilisent dans la nature.
Alors bien sûr qu’il faut en revenir à des trucs simples. Les chaussettes, quand on lance une lessive, c’est souvent ce qu’il y a de plus petit. On fait en moyenne deux ou trois lessives par semaine, ce qui en fait 130 par an.
Le risque de perte est réel, une chaussette toutes les dix lessives, on est dans les quotas supportables. OK pour la perte. Mais ce que personne n’accepte, c’est de ne pas savoir où passent les chaussettes.
Certains pervers ont imaginé que la chaussette pouvait se cacher dans le joint du hublot de la machine. Mais quand il n’y a pas de hublot ? On évoque alors des trous noirs, des triangles d’abîme, voire des univers parallèles où la chaussette tomberait entre les mains d’un chamane toungouse aux pratiques douteuses.
Il y a la chaussette bleue, chutant par mégarde derrière le radiateur. On n’avait plus de place sur le séchoir… mauvaise idée, chaussette perdue. Et puis, la chaussette blanche qui se retrouve enrôlée, à notre insu, dans une machine de couleurs foncées et qui devient gris-noir, séparée à jamais de l’autre. Il y a aussi la chaussette étendue à l’extérieur, sur un fil au fond du jardin et qui prise dans un coup de vent, va finir sa vie dans un fourré d’épines.
La solution la plus simple, c’est d’acheter exactement les mêmes chaussettes toutes grises, par paquet de 10… L’autre dimanche, on parlait de ce syndrome avec notre voisin qui court régulièrement près du canal Saint-Martin. “Moi, avec les chaussettes orphelines, je coupe le bout, je les retourne et je me fais des brassards pour mettre mon smartphone. C’est super pratique pour le footing et ça me permet d’écouter ma playlist.”
À l’Apple Store, le brassard pour iPhone X est à 39,95 €. On a demandé, ils n’ont pas de chaussettes ! Sûr que chez Apple, ils auraient résolu l’énigme du syndrome de la chaussette orpheline.