La mort est dans le pré !
La plus grande ferme de France s’est installée, porte de Versailles à Paris, jusqu’à dimanche. Les Français adorent les paysans. Et tout le monde veut voir les animaux d'élevage du Salon de l’agriculture. La campagne à Paris.
Pour l’inauguration du Salon de l’Agriculture 2019, le président Emmanuel Macron a battu tous les records : il est resté quatorze heures…
Vraiment, les Français aiment bien leurs agriculteurs. L’Hexagone compte environ 885 000 exploitants agricoles (chefs d’exploitation, conjoints, salariés permanents…). On les aime bien, surtout au moment du Salon… Non, on exagère, on les aime aussi beaucoup pendant la diffusion de « L’amour est dans le pré ». Quand on découvre Gérard, alias Gégé, éleveur de brebis dans le Limousin, se confiant en larmes, à Karine Le Marchand, sur sa solitude. L’émission de M6 rassemble près de 4 millions de téléspectateurs fidèles. Tellement touchants, ces agriculteurs.
Et pourtant, depuis quelques jours, un chiffre revient en boucle. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter et qui devrait nous alerter : un agriculteur se suicide en France tous les deux jours ! C’est sans doute une des professions les plus exposées, puisque le taux de suicide est supérieur de 20 à 30 % au reste de la population. Principalement des hommes.
Producteurs de lait et éleveurs de bovins : c’est là où l’on trouve le plus de victimes. Mais ça ne déclenche rien. C’est pourtant concret le lait et la viande, ça devrait parler à tout le monde. Entre 2008 et 2009, 35 salariés se sont suicidés chez Orange. Indignation générale. Procès. Idem à La Poste. Pour les agriculteurs, rien. Pas de réaction, pas de mobilisation, pas d’actions en justice.
Rien. Ils font partie des invisibles. Même les statistiques ne disent rien. Certaines sources avancent le chiffre de 732 morts pour la seule année 2016. Ce n’est plus un suicide tous les deux jours… cela serait deux suicides tous les jours. En silence.
Le lait, la viande, le pain, les fromages, les légumes, c’est dans notre quartier, sur notre marché que nous les achetons. Nous avons tous oublié qu’au début de la chaîne, il y a des agriculteurs, des paysans en somme, et que pour nombre d’entre eux, les fins de mois sont justes intenables.
Que s’est-il passé en France, pour que l’on accepte qu’une grande partie des agriculteurs gagnent une misère, au point de mettre fin à leurs jours ? Peut-être la même chose qui fait que l’on accepte que les baskets soient fabriquées en Asie, par des populations sous-payées… La distance. La distance entre la ville et les champs.