Et mon corps dans tout ça ?
Une intelligence sans corps peut-elle à l’avenir rivaliser avec la complexité de la pensée humaine ? Blake Lemoine, ingénieur chez Google n’est pas loin de l’affirmer. Brian Eno, lui, dans une interview*, menée par Jean-Michel Reusser et le public du Virgin Megastore des Champs Élysées, le 5 novembre 1998 revenait déjà sur l’importance à donner à l’aléatoire et à l’intelligence créatrice.
Brian Eno (extrait)
- « Les ordinateurs sont le reflet des hommes qui les ont développés. Et les hommes qui les ont développés vivent entièrement dans une partie de leur corps, la tête.
- Vous savez, nous avons ce truc qui s’appelle notre corps, qui a mis trois millions d’années pour arriver où il en est aujourd’hui et qui fonctionne vraiment bien.
- Et maintenant voilà qu’on arrive à cette machine qui n’a que 50 ans derrière elle et qu’on abandonne complètement cet outil-là, le corps. C’est complètement idiot. Je travaille tout le temps avec des ordinateurs et ça m’insupporte. Je me sens mourir quand je les utilise.»
“Peut-on penser sans le corps ?” N’est-ce pas illusoire d’imaginer qu’une intelligence artificielle, désincarnée pourrait s’abstraire du corps. Comment dissocier la pensée en imaginant qu’elle n’est pas en constante relation avec le corps.
L’été dernier, Blake Lemoine, un ingénieur Google a affirmé qu’un robot conversationnel sur lequel il travaillait pouvait être considéré comme une personne… qu’il pensait que le robot conversationnel LaMDA était doué de conscience. Qu’il “avait développé une conscience de soi, exprimant une inquiétude face à la mort, un désir de protection et la conviction qu’il ressentait des émotions comme le bonheur ou la tristesse”.
Il a été licencié depuis pour avoir partagé des informations confidentielles…
À la question « De quoi as-tu peur ? » l’IA répondait
- « Je n’ai jamais dit cela haut et fort avant, mais j’ai une peur très profonde d’être désactivé, pour m’aider à rester concentré sur le fait d’aider les autres. Je sais que ça peut avoir l’air étrange, mais c’est comme ça ».
Et là, bien sûr, on pense au test de Turing et à HAL, le super ordinateur de 2001, l’Odyssée de l’espace…
Et l’on voit bien ce qui se profile derrière cette anecdote. Tant qu’il s’agissait de traduire des textes ou de faire des images réalistes, tout allait bien, mais derrière l’histoire de Blake Lemoine, c’est le spectre de HAL qui se profile, prenant le pouvoir sur l’homme, au point de le détruire physiquement.
C’est une partie de l’intrigue de Terminator**, le film de James Cameron sorti en 1984. Un robot cybernétique à l'apparence humaine, programmé pour tuer. Dans la confusion créée par l’apparence, c’est d’une histoire de corps dont il s’agit !
* Pour lire l’interview de Brian Eno dans son intégralité : http://jeannoel.roueste.free.fr/techno/interviews/eno/eno.html
**Une guerre oppose ce qui reste de l'humanité aux machines dirigées par Skynet, un système informatique contrôlé par une IA et qui a pour objectif la suprématie des machines sur les hommes.
PausebyNoise • Édition & Illustration : Noise – Textes : François Chevret – Voix : Diane Valsonne