Jamais content !
C’est souvent quand on débarque à l’aéroport de Roissy, après avoir passé quelques semaines à l’étranger, que l’on fait le constat… le Français n’est jamais content. “La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer !” selon le bon mot de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson.
Ça ne va jamais, toujours ça critique, ça se révolte, ça manifeste pour tout. Le Français est râleur, il fait la gueule. Le tout, ponctué d’un truc intraduisible, le “rrrhhh” dans la gorge. Ces derniers jours, pour le second tour de l’élection présidentielle, les Français ont réélu le président sortant Emmanuel Macron, mais ils sont près des trois quarts à vouloir, dès demain, une Assemblée nationale de gauche. Jamais contents !
On a en tête la chanson d’Alain Souchon.
“Elle me dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis comme un tout p’tit enfant
Qu’aime plus ses jeux, sa vie, sa maman
Elle dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis carrément méchant
Jamais content
Carrément méchant
Jamais content”
Nous sommes un peuple de boudeurs, de rouspéteurs, de chouineurs. Ça ferait partie de nos gènes. On ne compte plus les articles de Courrier International qui épinglent ce trait de caractère. “Ça ne va jamais, et même quand ça va, ça pourrait aller mieux !”
Lorsqu’on demande aux Français de résumer leur état d’esprit, les mots “incertitude”, “inquiétude” et “fatigue” arrivent en tête. Le Français n’est pas optimiste.
En parallèle, les pays les plus optimistes ne sont pas les plus avancés économiquement. Les premières places sont occupées par le Nigeria, les Fidji, l’Inde et le Pakistan.
La nostalgie, c’est peut-être ce qui nourrit ce sentiment. La nostalgie d’une époque fantasmée, glorieuse et prospère. Un sentiment de déclassement sur la scène internationale qui n’est pas si éloigné du déclassement individuel, éprouvé au quotidien par la classe moyenne. “C’était mieux avant !”
Depuis les années 1980, la “dépression française” se nourrit d’un chômage élevé, des inégalités qui se creusent, de l’insécurité, d’une immigration médiatisée, de la pollution, de la météo, en gros de tout… Comme dans les autres pays, les Français ont de bonnes raisons d’avoir des craintes.
Mais il y aurait autre chose. Un quelque chose que les autres n’ont pas et qui ferait partie de notre mode de vie. Ce quelque chose que les Anglais ou les Américains ne comprennent absolument pas, c’est que se plaindre aurait une fonction sociale. Râler serait un tic de conversation culturelle, un truc typiquement français pour engager un dialogue. En gros, quand on dit que ça ne va pas, c’est juste pour discuter. En fait, ça ne va pas si mal !
Et si tu demandes son avis à un Marseillais, il n’y a pas photo. Pour lui, le Français le plus râleur, c’est bien évidemment le Parisien qui n’a ni la mer ni le soleil. Et la conversation est engagée pour tout l’après-midi !