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56, rue du Faubourg Poissonnière - 75010 Paris
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Le fantôme de Christo

« Vous savez quoi ? Ce week-end, je suis allé voir l’Arc de Triomphe empaqueté. » Et Régis, d’aller se chercher un café, avant de nous raconter sa découverte du dernier projet posthume du couple d’artistes. Le monument parisien a été entièrement recouvert de 25 000 mètres carrés de bâche argent légèrement bleutée. Le tout ficelé par 3 000 mètres de cordage rouge. Coût de l’opération, 14 millions d’euros, autofinancée. L’installation ne dure que deux semaines, pas plus.

Et Régis de continuer. « — Ce qui est étonnant, c’est que je l’avais complètement oublié ce monument, je ne l’ai même jamais visité. Et là, le fait qu’il soit enveloppé, c’est très intrigant… je me suis retrouvé devant à me dire : “Mais qu’est-ce qu’il y a dessous ?”

Christo préférait “empaquetage” à “emballage”. Car, pour lui, dans ce mot, il y a l’idée du voyage, du déplacement, quelque chose de fugitif et de nomade…

« L’été dernier, continue Régis, j’ai découvert au Centre Pompidou, l’expo consacrée au projet du Pont-Neuf, en 1985. Des salles et des salles de croquis préparatoires, une grande maquette. Mais ce qui m’a fasciné, c’est le film documentaire retraçant l’histoire du projet, la détermination et l’énergie qu’il faut pour faire exister son rêve. »

Cela faisait soixante ans que Christo souhaitait empaqueter l’Arc de Triomphe. Cela faisait soixante ans qu’il remuait ciel et terre pour aller au bout. On a dû lui dire mille fois que son projet ne tenait pas. Pourtant, il a réussi à convaincre tout le monde, il y a deux ans, les politiques, les officiels. Le président Macron avait dit oui. Mais Christo est mort, le 31 mai 2020. Et le Covid-19 a repoussé l’installation d’un an.

« Maintenant, si ça me parle ? C’est autre chose reprend Régis. Il ne faut pas se poser trop de questions, d’ailleurs Christo et Jeanne-Claude, ils ne parlaient pas trop concept ou théorie, rien de très politique. D’ailleurs, autour de l’Arc de Triomphe empaqueté, il y a plein de médiateurs culturels avec des blousons bleus siglés “L’Arc de Triomphe, Wrapped”. Oui, ça sent bon le marketing. Ils n’expliquent pas vraiment, ils te disent en gros qu’ils trouvent ça beau ! »

Christo déclarait que l’Arc de Triomphe « serait comme un objet vivant qui va s’animer dans le vent et refléter la lumière. Les plis vont bouger, la surface du monument va devenir sensuelle ». Il semble qu’il ait raison. Les promeneurs ont les yeux en l’air, ils prennent plein de photos. Beaucoup parlent entre eux. Il y a même un côté apaisant pour un dimanche en fin de matinée, sans masque, tranquille.