Au secours ! les chasseurs reviennent !
« − Hé, chevreuil, dit le sanglier, tu as entendu la nouvelle ?
− Non, réponds le chevreuil.
− Les chasseurs, ils ont le droit de nous prélever !
− Prélever ? fait le chevreuil, une expression d’incompréhension dans son doux regard.
− Oui, nous tuer quoi ! ajoute le sanglier. C'est comme ça qu'ils disent dans leur langue. Pour ne pas nous faire de peine probablement.
− Mais je croyais que les humains ne pouvaient pas s’éloigner de leur domicile, dit le chevreuil.
− Les chasseurs, si ! »
Le renard qui passait par là, en quête d'une proie à se mettre sous la dent, s'approche.
« − Ça va, les gars ?
− Moyen, fait le chevreuil, on croyait être tranquille pour une fois grâce au confinement des humains, mais c'était trop beau !
− Que se passe-t-il ? dit le renard dont la curiosité légendaire est piquée.
− Faut croire que la Covid qui nous a débarrassé d'eux, il y a quelques mois, ne les concerne plus. Figure-toi que les chasseurs sont autorisés à nous chasser.
− Pas possible, s'affole le renard en regardant autour de lui comme si une nuée d'humains armés de fusils le tenaient en joue.
− Fait gaffe, rigole le sanglier qui conserve son humour légèrement relou, malgré l'adversité, en tant que nuisible tu es en première ligne !
− Nuisible toi-même, s'énerve le renard. Toi et tes pareils, il paraît que vous êtes beaucoup trop, que vous faites des ravages dans les champs cultivés. Les agriculteurs vous détestent et pensent qu'il faut absolument réduire votre population. Alors, c'est qui le nuisible ?
− Allons, allons, fait le chevreuil qui tente de calmer le jeu, personne n'est nuisible, c'est un truc des humains pour justifier leur comportement et se donner le droit de tuer certains d’entre nous, vous le savez bien. »
Le renard totalement abattu baisse la tête.
« − Je ne les comprendrai jamais ! Leur absence totale de logique me sidère !Et cette obstination à nous chasser alors que leurs magasins sont plein de nourriture. Moi quand je chasse, c'est pour manger, pas pour me divertir.
− Ah si tu étais végétarien comme moi, dit le chevreuil, ta vie serait plus simple !
− Vegan, le reprend le sanglier.
− Oui, vegan, tu as raison, admet le chevreuil.
− Moi, je suis flexitarien, se vante le sanglier content de lui, je m'adapte ! »
Le renard regarde ses deux copains, hoche la tête et sourit, une lueur ironique dans son œil doré.
« Sur ce, les amis, dit-il, je vais de ce pas chercher un bon terrier et laisser passer la crise. Je ne suis peut-être pas vegan, ni flexitarien, mais moi au moins je peux me planquer sous terre. »
Le renard se met aussitôt à courir, laissant les deux compères à leurs amères réflexions sur le genre humain.