Betteraves ou abeilles, qui survivra ?
On ne s’est jamais trop posé de questions. On était dans le train, les cheveux dans le vent, et le train avançait vite. Et puis au tournant du 21e siècle, les sirènes ont commencé à siffler fort, très fort. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». C’était il y a vingt ans.
Le train n’a pas ralenti ! Les prévisions alarmistes des scientifiques se vérifient. De tous côtés, tout s’embrase. Depuis vingt-cinq ans, c’est 75 % des insectes qui ont disparu, sans parler des oiseaux et autres vertébrés.
« On ne va pas pleurer pour des moustiques, quand même ! » Mais lorsque des apiculteurs retrouvent leurs ruches remplies d’abeilles mortes, il s’agit bien d’une extinction massive aux conséquences dramatiques, annoncées et documentées.
En septembre 2018, le gouvernement a prohibé l’usage des néonicotinoïdes. Ce sont des insecticides, tueurs d’abeilles avérés, car ils perturbent leur système nerveux central. Sauf qu’aujourd’hui certains agriculteurs, privés de leurs habitudes, ne voient plus cette décision d’un bon œil. Par exemple, les betteraviers picards réclament la réintroduction, même provisoire, de ces pesticides pour pouvoir endiguer les invasions de pucerons, propagateurs de la jaunisse de la betterave.
Alors on fait quoi ? C’est soit la betterave, soit l’abeille ! Autrement dit, le travail ou la planète ! Le gouvernement a tranché et un projet de loi prévoit de satisfaire la demande des betteraviers… “provisoirement”.
« Mais Monsieur, il y a 46 000 emplois qui sont en jeu. Vous croyez que l’on a besoin de ça en ce moment ? ». « Vous pensez que l’on peut se priver de la filière sucre ? » C’est toute la question. Derrière cette histoire de petits insectes face à l’homme, c’est un dilemme qui réapparait régulièrement. Repousser éternellement nos responsabilités vis-à-vis de la nature.
« S’il y a un peu moins de miel l’été prochain, c’est pas grave, on mettra de la confiture sur nos tartines… » Sauf que ! Plus d’insectes pollinisateurs, et c’est toute la chaîne de reproduction qui s’écroule. Hé oui ! 85 % des plantes comestibles dépendent de la pollinisation par les abeilles. Plus de fruits, plus de légumes. Les producteurs disparaîtront. Et ce n’est qu’une étape.
Alors, on a comme un pressentiment : c’est aussi la confiture qu’il va falloir remplacer !